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Le délai de prescription de l'action en répétition de l'indu exercée par l'assureur contre l'assuré

Le 14 septembre 2016
Répétition de l'indu par l'assureur contre l'assuré : délai de prescription - déchéance : exigence d'une clause expresse

L’action en répétition du paiement de l’indu exercée par l’assureur contre l’assuré n’est pas enfermée dans le délai de l’article L 114-1 du code des assurances

 

         Lorsqu’un assureur estime avoir versé une indemnité à son assuré de façon injustifiée, son action en répétition de l’indu tirée des articles 1235 et 1276 du Code civil est-elle enfermée dans le délai de l’article L 114-1 du code des assurances régissant « toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance… » ?

 

         Dans un arrêt rendu le 08 septembre 2016, la Cour de cassation, 2ème chambre civile (pourvoi 15-16890), répond par la négative en fondant sa décision sur le principe suivant : « Mais attendu qu'il résulte des dispositions des articles 1235 et 1376 du code civil que l'action en répétition de l'indu se prescrit, quelle que soit la source du paiement indu, selon le délai de droit commun applicable, à défaut de disposition spéciale aux quasi-contrats ; que c'est à juste titre que la cour d'appel a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme X..., tirée de la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances» et confirme ainsi un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Nîmes en date du 18 décembre 2014.

 

         On relève que par ailleurs cet arrêt de la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel de Nîmes précité pour n’avoir pas vérifié si le contrat contenait une clause de déchéance, telle qu’invoquée par l’assureur, sanctionnant une fausse déclaration relative au montant du sinistre par production d’une fausse facture, ceci sur le fondement de l’article 1134 du Code civil.

 

         Cette cassation aurait pu être obtenue sur le fondement de l’article L 112-4 du code des assurances, lequel rappelle à propos de la police d’assurance que : « Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ».

 

Voici l’arrêt rendu par la Cour de cassation

 

Cour de cassation

 

chambre civile 2

 

Audience publique du 8 septembre 2016

 

N° de pourvoi: 15-16890

 

ECLI:FR:CCASS:2016:C201293

 

Non publié au bulletin

 

Cassation partielle

 

Mme Flise (président), président

 

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat(s)

 

 

 

REPUBLIQUE FRANCAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

 

 

 

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. et Mme X... sont propriétaires d’une maison, assurée auprès de la société Macif Provence Méditerranée (l’assureur) ; qu’à la suite d’un incendie ayant détruit en partie ce bien, l’assureur leur a versé la somme totale de 68 104,09 euros ; qu’il les a ensuite fait assigner afin d’obtenir leur condamnation à lui restituer cette somme, selon lui indûment versée ;

 

 

Sur le premier moyen :

 

 

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en restitution de l’assureur, alors, selon le moyen :

 

 

1°/ que toute action dérivant d’un contrat d’assurance se prescrit par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance ou, en cas de dissimulation de l’assuré, du jour où l’assureur en a eu connaissance ; que l’action qui vise à obtenir le remboursement de sommes versées à l’assuré en exécution d’un contrat d’assurance dérive nécessairement de ce contrat ; que tel est notamment le cas lorsque l’action en répétition se fonde, non sur une erreur de l’assureur, mais sur une cause de déchéance résultant du contrat d’assurance ; qu’en décidant en l’espèce que l’action en répétition des sommes versées en exécution du contrat d’assurance, qui se fondait sur une déchéance du droit à garantie, ne relevait pas de la prescription biennale des actions dérivant du contrat d’assurance, la cour d’appel a violé l’article L. 114-1 du code des assurances par refus d’application ;

 

 

2°/ qu’une fausse déclaration de l’assuré en cours d’exécution du contrat d’assurance n’entraîne la déchéance de son droit à garantie qu’en cas d’absence de sinistre assuré ou de clause prévoyant une telle sanction ; qu’en l’espèce, dès lors que la réalisation du sinistre n’était pas discutée, la déchéance ne pouvait se fonder que sur une stipulation du contrat d’assurance ; que par suite, l’action en répétition fondée sur un manquement de l’assuré aux stipulations du contrat résultait nécessairement de ce contrat et était comme telle soumise à la prescription biennale ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a encore violé l’article L. 114-1 du code des assurances ;

 

 

3°/ qu’en ne recherchant pas, comme il leur était demandé, si la déchéance invoquée par l’assureur ne se fondait pas sur une stipulation du contrat, de telle sorte que toute action fondée sur cette stipulation relevait nécessairement de la prescription biennale, les juges du second degré ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard de l’article L. 114-1 du code des assurances ;

 

 

Mais attendu qu’il résulte des dispositions des articles 1235 et 1376 du code civil que l’action en répétition de l’indu se prescrit, quelle que soit la source du paiement indu, selon le délai de droit commun applicable, à défaut de disposition spéciale aux quasi-contrats ; que c’est à juste titre que la cour d’appel a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme X..., tirée de la prescription biennale prévue par l’article L. 114-1 du code des assurances ;

 

 

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucun de ses griefs ;

 

 

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche, qui est recevable :

 

 

Vu l’article 1134 du code civil ;

 

 

Attendu que pour condamner M. et Mme X... à payer à l’assureur la somme de 68 104,09 euros, l’arrêt retient que la déchéance du droit à indemnité de ceux-ci est acquise en considération de la fausse facture qu’ils ont produite à la suite du sinistre pour justifier leur demande d’indemnité et que c’est par conséquent un paiement indu qu’a effectué l’assureur ;

 

 

Qu’en se déterminant ainsi, sans vérifier que le contrat d’assurance contenait une clause de déchéance permettant de retenir en ces circonstances une telle mesure, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

 

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les

 

autres branches du second moyen :

 

 

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a infirmé le jugement du 21 décembre 2012 et rejeté la fin de non-recevoir opposée par les époux X..., l’arrêt rendu le 18 décembre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

 

 

Condamne la société Macif Provence Méditerranée aux dépens ;

 

 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

 

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

 

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit septembre deux mille seize.

 

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

 

 

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

 

 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

 

 

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en restitution de la somme de 68.104,09 euros ;

 

 

AUX MOTIFS QU’ « il résulte des dispositions des articles 1235 et 1376 du Code civil que l’action en répétition de l’indu, quelle que soit la source du paiement indu, se prescrit selon le délai de droit commun applicable ; que dès lors que la MACIF, qui a payé la somme de 68.104,09 euros à titre d’indemnité en application du contrat d’assurance de l’immeuble sinistré, invoque la déchéance du droit à indemnisation pour fausse déclaration intentionnelle, il en résulte que dans l’hypothèse où cette dernière serait reconnue, l’action en répétition de l’indu repose sur l’inexistence de la dette de l’assureur ; qu’il en résulte que la prescription applicable est celle du droit commun » (arrêt, p. 5) ;

 

 

ALORS QUE, premièrement, toute action dérivant d’un contrat d’assurance se prescrit par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance ou, en cas de dissimulation de l’assuré, du jour où l’assureur en a eu connaissance ; que l’action qui vise à obtenir le remboursement de sommes versées à l’assuré en exécution d’un contrat d’assurance dérive nécessairement de ce contrat ; que tel est notamment le cas lorsque l’action en répétition se fonde, non sur une erreur de l’assureur, mais sur une cause de déchéance résultant du contrat d’assurance ; qu’en décidant en l’espèce que l’action en répétition des sommes versées en exécution du contrat d’assurance, qui se fondait sur une déchéance du droit à garantie, ne relevait pas de la prescription biennale des actions dérivant du contrat d’assurance, la cour d’appel a violé l’article L. 114-1 du Code des assurances par refus d’application ;

 

 

ALORS QUE, deuxièmement, une fausse déclaration de l’assuré en cours d’exécution du contrat d’assurance n’entraîne la déchéance de son droit à garantie qu’en cas d’absence de sinistre assuré ou de clause prévoyant une telle sanction ; qu’en l’espèce, dès lors que la réalisation du sinistre n’était pas discutée, la déchéance ne pouvait se fonder que sur une stipulation du contrat d’assurance ; que par suite, l’action en répétition fondée sur un manquement de l’assuré aux stipulations du contrat résultait nécessairement de ce contrat et était comme telle soumise à la prescription biennale ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a encore violé l’article L. 114-1 du Code des assurances ;

 

 

ET ALORS QUE, troisièmement, et en tout cas, en ne recherchant pas, comme il leur était demandé, si la déchéance invoquée par l’assureur ne se fondait pas sur une stipulation du contrat, de telle sorte que toute action fondée sur cette stipulation relevait nécessairement de la prescription biennale (conclusions de M. et Mme X... du 10 octobre 2014, p. 9), les juges du second degré ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard de l’article L. 114-1 du Code des assurances.

 

 

SECOND MOYEN DE CASSATION, à titre subsidiaire

 

 

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir condamné M. et Mme X... à rembourser à la MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE la somme de 68.104,09 euros versée en exécution du contrat d’assurance ;

 

 

AUX MOTIFS QU’ « il est reproché aux époux X... d’avoir produit une fausse facture, datée du 3 février 2003, et établie le 2 février 2005, trois jours après l’incendie, à leur demande par Monsieur Y... ; que les intimés contestent les faits et estiment que la MACIF ne rapporte pas la preuve de la fausse déclaration incriminée ; que cependant, la réalisation des travaux d’installation d’une chaudière neuve par Monsieur Z... est un fait constant ; que Monsieur Z..., dans le cadre de la plainte déposée le 8 janvier 2006, relate qu’il a posé en octobre 2002 la chaudière achetée par Monsieur X... alors qu’ il était salarié de l’entreprise Cegelec, et que sollicité de manière pressante par les époux X..., à la suite de l’incendie qui s’était déclaré chez eux, il a établi le 2 février 2005 une facture datée du 3 février 2003 ; que cette déclaration est implicitement confirmée par les termes de la transaction signée le 23 janvier 2006, par les époux X..., Monsieur Z... et la société Quincaillerie Aixoise, contre lesquels les époux X... avaient engagé une action judiciaire, en ce que ces parties renoncent à toute action de quelque nature que ce soit, que la société Quincaillerie Aixoise paye le montant des dommages mis à sa charge par l’expert, et que la MACIF limite à la somme de 41.718,15 euros le montant qu’elle réclame aux époux X..., en remboursement de l’indemnité d’assurance qu’elle leur a payée ; qu’il est établi que la MACIF a refusé de signer cette transaction ; qu’il en résulte que seule la réalité de l’établissement d’une fausse facture, légitimant la demande de remboursement par l’assureur, pouvait pousser les époux X... à accepter de rembourser la somme de plus de 40.000 euros, et que dans ce contexte où Monsieur Z... accepte de renoncer à toute indemnité de quelque nature que ce soit, les époux X... ne peuvent venir prétendre que c’est sous la pression qu’ils avaient accepté de signer ce compromis ; que ces éléments confortent a posteriori le témoignage de Monsieur A..., certes le supérieur hiérarchique de Monsieur X..., qui ne pouvait que chercher à régler le conflit survenu à la suite de ces événements entre Monsieur X... et le père de Monsieur Z..., et qui a relaté que le premier, après avoir reconnu la vérité des faits rapportés par le jeune Herrera a refusé d’établir une attestation en ce sens ; que dès lors, enfin, qu’il n’est pas contesté que, en octobre 2002, Monsieur Z... se trouvait salarié dans une entreprise et avait nécessairement effectué les travaux de montage de la chaudière dans le cadre d’un travail dissimulé, il lui était impossible d’établir une facture quelconque, de sorte que celle qu’il a établie, à une date où lui-même pouvait bénéficier d’une couverture d’assurance, ce qu’il n’avait sans doute pas réalisé sur le moment, est nécessairement fausse, ce que les époux X... ne pouvait ignorer ; que la fausse facture ainsi produite a eu nécessairement pour effet de tromper l’assureur sur l’étendue de la garantie due, puisque s’il avait connu tout à la fois les conditions de réalisation et l’absence de garantie de la responsabilité professionnelle du plombier, elle aurait nécessairement été amenée à modifier son point de vue sur la réalité ou l’étendue des droit à indemnisation des assurés, et c’est bien pour ce motif que ces derniers ont demandé l’établissement d’une facture qui n’avait jamais existé ; que la déchéance du droit à indemnité est donc acquise, et c’est donc un paiement indu que l’assureur a effectué ; qu’il convient donc de condamner les intimés à payer à la MACIF la somme de 68.104,09 euros » (arrêt, p. 5 et 6) ;

 

 

ALORS QUE, premièrement, la loi ne sanctionne d’aucune déchéance les fausses déclarations faites par l’assuré après la réalisation du sinistre ; qu’il en résulte que les juges qui sanctionnent une fausse déclaration de l’assuré de la déchéance de son droit à indemnisation sont tenus de vérifier que le contrat d’assurance contient une telle clause de déchéance ; qu’en décidant en l’espèce que la production par M. et Mme X... d’une facture antidatée devait entraîner la déchéance de leur droit à indemnisation, sans s’assurer que le contrat qui les liait à la MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE contenait une clause de déchéance justifiant de prononcer une telle sanction, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ;

 

 

ALORS QUE, deuxièmement, il appartient au demandeur à la répétition de l’indu d’établir la raison pour laquelle son paiement n’était pas dû ; que lorsque l’assureur se fonde à cet effet sur l’existence de fausses déclarations faites par l’assuré après la survenance du sinistre, il lui incombe de démontrer que les sommes versées à ce dernier n’étaient pas dues et qu’elles n’auraient pas été versées en l’absence de ces déclarations ; qu’en l’espèce, il a seulement été reproché à M. et Mme X... d’avoir produit une facture antidatée à l’époque de l’installation de la chaudière pour justifier de l’importance du sinistre, sans que ni l’existence ni la valeur de ce sinistre aient été contestées par la MACIF PROVENCE MÉDITERRANÉE ; qu’en se bornant à observer sur cette base, pour obliger les assurés à restituer l’indemnité versée par l’assureur, que la facture avait été émise par l’installateur pour une date, postérieure de quelques semaines à celle de son intervention, où il pouvait bénéficier d’une assurance professionnelle, sans expliquer en quoi la circonstance que celui-ci ne bénéficiait pas d’une assurance au jour de l’installation était de nature à priver M. et Mme X... de leur droit à garantie de la part de leur assureur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1235 et 1376 du Code civil ;

 

 

ET ALORS QUE, troisièmement, si les fausses déclarations du souscripteur au jour de la formation du contrat d’assurance sont de nature à entraîner la nullité du contrat quand elles changent l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, en revanche, les fausses déclarations faites en cours d’exécution du contrat d’assurance ne font obstacle à l’indemnisation que si elles sont de nature à tromper l’assureur sur l’existence, la nature ou l’étendue du sinistre, ou encore si une clause de la police prévoit une telle sanction ; qu’en décidant en l’espèce que la facture émise à la demande de M. et Mme X... après la réalisation du sinistre justifiait de les priver de leur droit à indemnisation pour cette raison qu’elle aurait trompé l’assureur sur l’étendue de la garantie qui leur était due ou encore à modifier son point de vue sur la réalité ou l’étendue des droits à indemnisation des assurés, sans expliquer en quoi l’émission d’une facture datée de quelques semaines après l’installation de la chaudière à l’origine du sinistre pouvait justifier d’écarter ou de diminuer le droit à indemnité des assurés, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1235 et 1376 du Code civil.

 

Décision attaquée : Cour d’appel de Nîmes , du 18 décembre 2014